Que contiennent les règlements de l’UE pour réguler le numérique, approuvés par les eurodéputés ?


Une nouvelle législation qui fait figure de pionnière et pourrait inspirer d’autres pays, dont les Etats-Unis. Le Parlement européen a approuvé, mardi 5 juillet, à une écrasante majorité la grande régulation de l’Union européenne qui impose des obligations et des interdictions nouvelles aux géants du numérique pour limiter leurs abus de pouvoir et mettre fin aux zones de non-droit sur Internet.

La nouvelle législation a déjà fait l’objet d’un accord au printemps entre les colégislateurs et devra encore recueillir l’aval définitif des Etats membres la semaine prochaine. Elle se compose de deux textes, le DMA et le DSA, présentés par la Commission en décembre 2020.

  • Un règlement des marchés numériques (DMA)

Ce règlement doit endiguer les pratiques anticoncurrentielles des Gafam – Google, Apple, Meta (Facebook), Amazon et Microsoft. Il a été approuvé par 588 voix (11 contre, 31 abstentions).

Le DMA marque un changement de philosophie dans la lutte contre les abus des grandes plates-formes. Après des années à courir en vain après leurs infractions dans des procédures judiciaires interminables, Bruxelles veut agir en amont, en leur imposant des règles à respecter sous peine d’amendes dissuasives. Objectif : agir avant que les comportements abusifs aient détruit la concurrence.

La législation établit un contrôle de Bruxelles sur chaque opération de rachat de ces géants, quelle que soit la taille de la cible. Google se verra interdire tout favoritisme envers ses propres services dans les résultats de son moteur de recherche, comme il a été accusé de le faire avec son site de vente en ligne, Google Shopping.

La nouvelle loi empêchera également Amazon d’utiliser les données générées sur ses sites par des entreprises clientes pour mieux les concurrencer.

  • Un règlement des services numériques (DSA)

L’objectif est de réguler les contenus en ligne en contraignant les grandes plates-formes à respecter les lois et à coopérer avec les régulateurs. Ce règlement a été approuvé a été approuvé par 539 voix (54 contre, 30 abstentions).

Le DSA entend mettre fin aux dérives des réseaux sociaux qui ont souvent défrayé la chronique : assassinat du professeur d’histoire Samuel Paty après une campagne de haine en octobre 2020, assaut de manifestants sur le Capitole, aux Etats-Unis, en janvier 2021 en partie planifié grâce à Facebook et Twitter, etc.

Le texte concerne aussi les plates-formes de vente envahies de produits contrefaits ou défectueux, qui peuvent s’avérer dangereux, à l’instar de jouets d’enfants ne respectant pas les normes de sécurité.

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Le nouveau règlement imposera le retrait rapide de tout contenu illicite (selon les lois nationales et européennes) dès qu’une plate-forme en aura connaissance. Il contraindra les réseaux sociaux à suspendre les utilisateurs violant « fréquemment » la loi. Le DSA obligera les sites de vente en ligne à contrôler en amont l’identité de leurs fournisseurs.

Il impose aux « très grandes plates-formes », celles comptant « plus de 45 millions d’utilisateurs actifs » dans l’UE, d’évaluer elles-mêmes les risques liés à l’utilisation de leurs services et de mettre en place les moyens appropriés pour retirer des contenus problématiques. Elles se verront imposer une transparence accrue de leurs algorithmes et seront auditées une fois par an par des organismes indépendants. « Le moment de vérité pour le DSA, ce sera sa mise en œuvre » par les entreprises, a averti l’association CCIA, lobby des géants de la tech, s’interrogeant sur leur capacité à appliquer « ces règles complexes ».

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  • Recrutement de 100 experts d’ici à 2024

« Il y aura un avant et un après DSA et DMA », a promis le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, à l’origine des textes avec sa collègue à la concurrence, Margrethe Vestager. « Beaucoup pensaient que la régulation prendrait des années ou bien serait impossible, trop compliquée, le lobby trop fort… », a-t-il fait valoir.

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« Nous avons repris le contrôle de la technologie. Il était temps », s’est réjouie l’eurodéputée danoise Christel Schaldemose (S&D, sociaux-démocrates).

Mais l’Allemand Andreas Schwab (PPE, droite), rapporteur du DMA, a prévenu que le succès des nouvelles règles dépendrait des moyens octroyés à l’exécutif européen, désormais investi de pouvoirs de régulation. Il faut « que la Commission recrute suffisamment de personnel », a-t-il commenté sur Twitter. Cette inquiétude a été relayée tant par les organisations de consommateurs (BEUC) que par le patronat européen (Business Europe) qui saluent la nouvelle législation.

En réponse, Thierry Breton a annoncé le recrutement de 100 experts à plein temps d’ici à 2024 et la création d’un centre européen de haut niveau sur la transparence des algorithmes.

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Le Monde avec AFP



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